De quoi le Slow Art est-il le nom ?

04/02/2025

Longtemps j’ai buté sur  la notion de Slow Art.

Je comprends assez bien celle de Slow Food au regard du Fast Food, celle d’un Slow au regard d’un Rock, un peu moins celle de la Slow Fashion vs la Fast Fashion, mais pour un Slow Art pur,  je coince. 

Face au Slow Art existe-t-il un Fast Art, un truc du genre vite fait, vite vu, vite oublié et se revendiquant comme tel ? Un mouvement artistique dont la production s’identifierait à un Kleenex ?  

On pense à Jeff Koons, un atelier avec une centaine d’assistants, une production pléthorique dont nombre d’objets sont bons pour l’oubli.

D’accord, mais les ateliers de  Verrocchio, Ghirlandaio et Raphaël ou Rodin devaient bien avoisiné la vingtaine de petites mains et de gros bras, et personne n’a jamais eu l’idée de leur apposer un Kleenex Label. Quoique, dans les faits, un pape se foutait de détruire une oeuvre à la gloire de son prédécesseur quelqu’en soit la valeur artistique. L’oeuvre n’était pas destinée au futur mais seulement au présent.

Il existe bien la définition du collectifPro-création, seulement elle colle de trop près à celle de la cuisine italienne. 

L’ennui avec le lent ou le rapide est ce rapport au temps. On s’y frotte déjà avec l’Impressionnisme et Bergson: Pour l’artiste qui crée une image en la tirant du fond de son âme, le temps n’est plus un accessoire. Ce n’est pas un intervalle qu’on puisse allonger ou raccourcir sans en modifier le contenu. La durée de son travail fait partie intégrante de son travail.

Cette affirmation du philosophe français contrarie la jolie définition de Jed Perl : un art du temps en dehors du temps. Quelle oeuvre s’affranchit du temps ? Aucune !

Par contre le jardin Zen de Kyoto s’inscrit assez bien dans le continuum de la durée Bergsonienne, l’oeuvre perdure par un renouvellement constant. 

Une chose est sûre, le slow se danse à deux, le rythme de l’un influe sur l’autre, le récepteur se doit d’être au diapason de l’artiste. 

Prenons le Saint Matthieu de Michel-Ange à Florence. Ébauchée, la sculpture vous prend et ne  vous lâche plus, chaque coup de gradine retient votre attention, capte votre regard, au contraire d’un David, lisse sur lequel votre regard glisse. Le non finito prolonge le temps, si il existe un commencement il n’existe pas de fin.

Dans ce cas, un slow looking, un regard lent, une scrutation, s’impose à vous. 




Dans l’ouvrage d’Arden Reed sur le Slow Art sont reproduites les oeuvres de Richard Serra, de James Tyrell et les clichés, aux temps de pose interminables, d’Hiroshi Sugimoto. Le ressenti du regard porté sur ces reproductions s’approche du vide, la dimension interactive proposée par le vif, le motif est absente.

La clé est là, le Slow Art se vit, il ne se regarde pas seulement, il s’agit d’une approche esthétique du temps. Elle vous est propre, unique et non transmissible à l’autre.